Road Book n°25

Mardi 19 avril : Buenos Aires, quartier de la Boca, “la bouche”. Quartier emblématique et carte postale de Buenos Aires. Sur trois ou quatre bout de rues, les touristes déambulent en masse pour se prendre en photo devant les façades de tôles colorées. Ce quartier très populaire, que tous les portègnes (habitants de Buenos Aires, principal port du pays) considèrent semblent-il à juste titre, comme dangereux, abrite son petit Montmartre, un îlot devenu artificiel à force de déclenchements photographiques.

Façade de Boca la colorée

Le peintre Benito Quinquela Martin (1890-1977) est un enfant de Boca, de l’époque où les immigrés étaient italiens, espagnols et où le port aujourd’hui disparu accueillait encore des navires marchands. Il a toujours été présent pour Boca et jusqu’à la fin de sa vie il a contemplé les rives du Riachuelo qui aujourd’hui n’est plus qu’un fleuve putride. C’est de lui qu’est venue l’idée de peindre les maisons de bois et de tôle, les fonds de pots ont égayé les rues qui attirent aujourd’hui les touristes du monde entier. Le fameux stade de football de la Bombonera, celui du club de Boca Junior, est aussi dans le quartier, mais c’est une autre histoire.

Sur le toit de Quinquela Martin

Mercredi 20 avril : Pluie et premier cours de tango. Sur les conseils de Gonzalo nous poussons la porte de l’école d’Ayelen et Federico, dans le quartier de Flores. Après un premier cours je crois pouvoir dire que nous n’avons aucune disposition particulière à la pratique de cette danse ! Le pas de base, savoir compter jusqu’à 8. La position des bras, contact et résistance sans force. L’homme invite au mouvement, la femme ne prend pas l’initiative. À la fin nous arrivions à peu près à marcher le pas de base sans nous marcher dessus… le danser ce sera pour une autre étape…

Tanghetto à San Telmo...

Jeudi 21 avril : Aujourd’hui se joue un match de la coupe des nations de polo. Les deux nations participantes sont l’Argentine et l’Angleterre. Les deux équipes se rencontrent cet après midi sur le terrain de polo de Buenos Aires. À ce sport peu connu par chez nous et avouons-le franchement snob, les argentins sont les meilleurs du monde. Le décors est vite planté. Vêtements chics, paires de bottes de tous crins (ou devrais-je écrire de tout cuir), cheveux savamment coiffés de ces dames, belles allures, orchestre, coupes de champagne et petits doigts en l’air. Mais pas que heureusement, sinon nous ne serions certainement pas admis avec nos looks de randonneurs mal peignés.

Sourire d'orchestre

Pour l’équivalent de 8 euros (40 pesos), nous obtenons une place dans les gradins de la plèbe. Le terrain est immense. La foule reprend en choeur les hymnes nationaux qu’interprète une soprano. Etant parfaitement ignorants en matière de polo nous apprendrons donc plusieurs choses aujourd’hui. Une partie se joue en 6 périodes de 7 minutes. Quatre joueurs composent chaque équipe, ils sont tous classés individuellement par leur “handicap”. Tous tiennent le maillet dans la main droite. Au cours de la partie les cavaliers changent régulièrement de monture. A chaque but marqué les équipes changent de côté, ce qui vous impose de suivre un minimum ce qui se passe sous peine d’être largués au bout de deux minutes. Si vous voulez de plus amples informations vous pouvez vous renseigner par ici ou par . Nous n’avons bien sûr pas saisi les subtilités, mais malgré tout, nous avons été emballés. Les chevaux sont de vrais athlètes, crinière rasée, queue savamment tressée, élégance brute. Ils sont d’une impressionnante vivacité, dans leurs accélérations comme dans leurs brusques arrêts et changements de direction. Ça va vite, très très vite ! Les argentins ont démontré leur supériorité en battant les anglais 13 à 8.

Polo à Buenos Aires

Vendredi 22 avril : Correspondances mail, écriture, lecture. Les hauts plafonds, les couleurs vives et les fresques murales de l’hôtel offrent cette chaleur qu’on n’a pas toujours envie de quitter.

Samedi 23 avril : Tango, leçon numéro 2. Où l’on ajoute des virevoltes au pas de base et où l’on comprend deux trois trucs. Le soir, Guillaume de France, a posé Claudio sur notre chemin. Claudio est ténor, Claudio est bavard, Claudio parle un français moelleux, Claudio est amoureux de Buenos Aires. De taxi en bus et de kilomètres à pied en arrêts dans les cafés, il nous mène dans la nuit portègne. Palermo Viejo, las Cañitas, la Recoletta. Des heures durant notre flot de paroles n’est interrompu que par quelques attentions architecturales.

Dimanche 24 avril : La feria (marché) du quartier de San Telmo est effervescente. On sait mieux pourquoi l’étiquette bohème colle au pavé de ces quelques rues. Au milieu du charmant (et parfois très chic) bric à brac des antiquaires, des individus aux cheveux longs et à la barbe naissante ou aux amples jupes vendent des bijoux, des sacs colorés, des créations originales de toutes sortes.

Feria de San Telmo

Par ici un groupe de reggae peu original, un peu plus loin de mélancoliques tangos. Devant l’église du quartier, El Afronte fait pleurer ses quatre bandonéons. La nuit tombe, un solo de cloche suspend le morceau, la complainte et la journée s’achèvent ensemble.

Lundi 25 avril : Pendant que nous faisons la connaissance de Pierre, Alexandre avec qui nous sommes restés en contact depuis Navimag et Puerto Natales nous rejoint à l’Hostel Ayres Porteños. Pour fêter ces retrouvailles nous sortons vers 23 heures à la Bendita Milonga toute proche (San Telmo, Perú 571). Nous y retrouvons aussi Katharina une copine allemande. Ce soir le groupe El Afronte que nous avions vu hier à la feria, joue.

Bandonéon

Les milongas sont les bals où l’on danse le tango. Par extension ce nom est parfois donné aux lieux où se passent ces soirées. Si l’on ne sait pas danser, des cours sont souvent dispensés en début de soirée, et l’on peut aussi rester boire un verre en regardant les couples évoluer sur la piste.

Soir de milonga

D’autres photos de tango : ici.

Un peu plus tard, poussant une anonyme porte rouge de la rue Chacabuco, l’atmosphère enfumée d’un bar de nuit nous cueille, nous entraîne dans le rythme de la nuit Buenos aérienne.

Mardi 26 avril : En compagnie de Katharina je me rends à La Catedral, une milonga du quartier d’Abasto (sarmiento 4006). Il est suffisamment tôt pour prendre un cours. L’ambiance est toute autre que celle d’hier soir. La salle immense est pleine de bric à brac et de canapés déglingués. Les femmes étant un peu plus nombreuses que les hommes pour le cours, j’apprends les pas masculins. L’enseignement est radicalement différent de celui de l’école de Flores, les élèves sont très nombreux (trop ?!) et le tempo un peu plus rapide. Plus tard je retrouve Antoine et Alex en train de refaire le monde dans un café-esquina, ces cafés d’angles où l’on se sent comme chez soi et où les cortados(cafés au lait) sont parfaits.

Café La Poesia

Mercredi 27 avril : Musée d’Art Latino-américain de Buenos Aires, MALBApour les intimes. Belle collection permanente d’artistes phares d’Amérique latine (Antonio Berni, Frida Kahlo…). Très bonnes expositions temporaires : photomontages de Grete Stern, et des dessins originaux d’artistes comme Picasso, Toulouse-Lautrec, Chagall, Matisse…

Dans une allée du MALBA

Toujours dans le quartier de Palermo, le musée Xul Solar, situé dans la maison de l’artiste est un singulier endroit. Ce peintre argentin du XXème siècle, grand ami de Borges, était un esprit foisonnant qui a laissé derrière lui de nombreuses oeuvres chargées de symboles et de représentations complexes.

Troisième cours de tango à l’école Flores.

Jeudi 28 avril : Les Mères de la Place de Mai défilent chaque semaine depuis 34 ans.

Depuis 34 ans sur la place de Mai...

Sur la place qui fait face à la Casa Rosada, le palais présidentiel, elles tournent tous les jeudis dans le sens inverse des aiguilles d’une montre pour tenter de remonter le temps, pour savoir ce que sont devenus les disparus. Le mouvement a évolué, s’est scindé aussi, mais les mères aujourd’hui plus âgées, chantent toujours poing levé sur la Place de Mai.

... elles brandissent les portraits de leurs disparus

Vendredi 29 avril : Le quartier de Puerto Maderoest le plus jeune et le plus cher de Buenos Aires. D’innombrables tours résidentielles de luxe ont émergé ces 15 dernières années sur cette portion de terre coincée entre un ancien port de commerce et le Rio de la Plata. Mais pour autant Buenos Aires reste la ville qui tourne le dos à son fleuve.

Puente de la Mujer

Le Puente de la Mujer (Pont de la Femme) enjambe gracieusement l’un des bassins où se trouvent le port de plaisance ainsi que deux frégates, traces de la marine à voile argentine. La Frégate Presidente Sarmiento qui fut le premier navire-école d’Argentine, se visite (2 pesos).

Fregata Sarmiento

Samedi 30 avril : Quatrième lecon de tango. Alors même que nous sommes plus à l’aise, l’ultime cours sera celui de trop. Celui qui causera les pires douleurs dorsales à Antoine. J’ai perdu le partenaire de danse que j’avais presque réussi à convaincre… Le “lumbago” se déclare alors que nous grignotons des empanadas en sirotant du Malbec chez Claudio. La bonne humeur, le tempérament de Claudio et quelques comprimés d’anti-inflammatoire nous sauve la soirée qui se poursuit jusqu’au petit matin.

Dimanche 1er mai : Flâneries sur le dominical marché de San Telmo avant de dîner en compagnie de Flor, Gonzalo et Pierre au bar de Cao dans le quartier Boedo.

Pierre, Gonzalo et Flor

Lundi 2 mai : Le lumbago aura fait des siennes toute la journée sans réussir à empêcher Antoine de se rendre à l’évènement qu’il attend impatiemment depuis deux semaines. Gonzalo l’emmène à la Bombonera, le stade de foot de Boca, où l’équipe de Boca Junior (celle où jouait Maradona il y a bien longtemps) affronte dans un derby celle d’Independiente. En habitué du stade, Gonzalo l’accompagne dans la tribune des supporters de Boca, sagement déconseillée aux touristes… Score final 1-1, ambiance de folie, étoiles dans ses yeux. Le foot a des vertus thérapeutiques méconnues sur le mal de dos.

Mardi 3 mai: Nous prolongeons notre séjour du fait des douleurs dorsales d’Antoine, une nuit en bus n’arrangeant que rarement les choses… Dernière parrilla en compagnie de Pierre. On a encore manger une vache… L’Argentine c’est décidément très mauvais pour le système cardio-vasculaire !

Desnivel, notre parrilla QG

Mercredi 4 mai : Visite du Musée d’Art Moderne de Buenos Aires, le MAMBA, situé dans le quartier San Telmo. Quelques très belles pièces notamment d’impressionnantes photos de Nicola Costantino inspirés de très célèbres peintures du Caravage, de Vermeer ou de Velasquez.

MAMBA

D’autres photos de Buenos Aires, en vrac : ici.

A 22h50 nous montons dans un bus qui après 19 jours nous tire de notre torpeur citadine. Nous quittons la fraîcheur automnale désormais installée à Buenos Aires pour la chaleur de la province de Corrientes.

Cet article, publié dans Argentine, Devoirs de vacances, est tagué , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Un commentaire pour Road Book n°25

  1. don Pedro dit :

    Tout ceci est vrai, je m’en souviens… Mais les souvenirs sont beaux aussi quand on les invente
    Alors un petit effort !

Laisser un commentaire